"343"
Installation sculpturale d'Ousmane DIA
14e édition de la Biennale de l'Art Africain Contemporain - DAK'ART 2022
Ousmane Dia est l'artiste phare de Dak'Art 2020, Biennale de l'Art Africain Contemporain de Dakar. Il présente une installation importante et forte. Il s'agit d'une étape marquante dans la riche carrière internationale de ce sculpteur et plasticien sénégalais et suisse.
Ce nouveau travail est le prolongement de l'œuvre Maturité de mon Peuple créée en 2018 à la Galerie Nationale de Dakar au Sénégal, et toujours visible sur l'Esplanade du Monument de la Renaissance de la capitale sénégalaise. Il reprend le concept d'une foule anonyme. Cette fois, les personnages ne sont plus en marche vers un futur positif et dynamisant, mais sont dans le constat du quotidien avec un certain repli forcé...et peut-être amer.
Cette œuvre se présente comme un coup de poing pacifique assené au visiteur de l'exposition. Le dialogue direct et simple interpelle le spectateur dès son entrée dans l'espace consacré uniquement au travail d'Ousmane Dia.
Cette installation est constituée par une foule de 343 personnages sculptés qui font face, de façon concentrique, au visiteur.
343, titre de l'œuvre exposée et résultat de l'opération 7 x 7 x 7, est un symbole de l'infini dans l'histoire de l'humanité.
On ne peut échapper à tous ces regards de personnages minimalistes, stylisés en métal rouillé avec la fameuse finition « en chaise » très caractéristique du travail de ce sculpteur originaire de Tambacounda.
Femmes, hommes, enfants, tous sont assis simplement sur le sol, comme accablés et en apparence résignés. Au-delà et au-dessus des têtes, le visiteur peut lire, écrits sur le mur du fond de la salle, les articles suivants du texte fondamental de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme :
« 1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
2. La maternité et l'enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciale. Tous les enfants, qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale. » (Article 25 DUDH).
Tout est dit, ou plutôt sous-entendu. Le spectateur se retrouve face aux contradictions et aux incohérences de notre monde contemporain, partagé entre des intentions louables et sincères de bien faire et une réalité du terrain trop souvent pathétiquement décalée.
Une seule voix symbolique s'adresse directement au public : un personnage debout parmi la foule, très visible au-dessus des têtes, pointe un doigt accusateur.
Il y a une grande violence contenue dans cette installation politiquement universelle. Le message est simple et son évidence percutante. La genèse de cette installation 343 présentée à Dakar pourrait se situer en plein centre de Calcutta, dans les favelas de Rio ou à Paris en banlieue nord, ou encore sur la Place des Nations à Genève devant l'entrée de l'ONU. Le visiteur ne peut échapper à cette scénographie qui l'invite à se promener parmi cette foule assise et à méditer avec ses propres « Pourquoi ?», ses « Que faire ?» ou ses « Quelle solution ?»
Ousmane Dia n'apporte pas de réponse. L'artiste renvoie chacun à sa propre conscience, avec ce malaise profond devant les inégalités de chances, les moyens de survie dérisoires de beaucoup, les richesses outrageusement mal réparties et une liberté-alibi souvent trompeuse.
Le premier pas est déjà d'en prendre conscience avec le travail de l'artiste, mais ce n'est peut-être pas suffisant.
« Pourquoi s'arrêter à ça uniquement et ne pas essayer de déplacer les montagnes, comme on dit en Suisse ?» nous suggère Ousmane Dia.
André-William BLANDENIER – Genève / Mai 2020
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